« ... ce qui culmine sur la joie et peut-être même sur une manière d'extase incompréhensible, c'est le REGARD. Non pas le regard du contemplateur, qui n'est qu'un miroir. Mais le regard actif, qui va vers l'autre, qui va vers la matière, et s’y unit. Le regard de tous les sens, aigu, énigmatique, qui ne conquiert pas pour ramener dans la prison des mots et des systèmes, mais qui dirige l’être vers les régions extérieures qui sont déjà en lui, et le recompose, le recrée dans la joie du mystère devenu demeure.» J.M.G. Le Clézio, L'Extase matérielle

tirsdag 13. mars 2012

Le blog - en lisant en écrivant

Le blog est une merveille à multiples facettes et usages. Il permet de refléter une recherche qui se réalise dans un mouvement simultané de lectures, discussions, réflexions et écriture, grâce à sa structure ouverte et interactive. Telles sont les attentes qui ont déclenché en moi un jour le désir de créer un blog. Les esquisses de travail, les essais, qui constituent le cheminement vers un résultat, scientifique ou créatif, restent souvent inexploités du fait qu’ils ne sont jamais partagés, ce qui privent leur auteur d’un feed-back stimulant. C’est l’idée de pouvoir partager un cheminement de recherche qui a suscité ma curiosité devant ce phénomène, qui emprunte ses qualités à de genres divers, et dont le trait le plus séduisant est peut-être justement sa capacité d’amalgamer des genres classiques (le reportage, la lettre, le journal intime) dans une nouvelle forme à la fois personnelle et universelle.
C’est un essai de Julien Gracq qui a inspiré le choix du titre : En lisant en écrivant, ce double mouvement, exprimé à travers le double gérondif, sans virgule séparant les deux verbes, pour évoquer un mouvement d’inspiration réciproque.
« On écrit d’abord parce que d’autres avant vous ont écrit », dit-il.
Lire un texte enrichissant produit une prise de conscience. Il s’agit souvent de reconnaître dans un texte un reflet de soi-même, un point obscur de notre vie que l’on n’a pas encore eu la possibilité de verbaliser.
Une lecture enrichissante conduit souvent aussi à l’envie d’écrire.  Aucun écrivain ne m’a jamais donné une telle envie d’écrire que Georges Perec. La découverte de son œuvre, par une soirée d’automne en 1990, alors que je préparais une maîtrise de Lettres Modernes, constitue le moment le plus libérateur et stimulant de ma formation littéraire.  
« De lire cet écrivain constitue une forme de catharsis » m’a confié un de mes étudiants un jour, c’était peut-être justement à propos de Perec. « Toute lecture ne devrait-elle pas se réaliser ainsi ? »
La résonance que le texte produit en nous n’est pas forcément thématique, il peut être question d’une scène ou d’une métaphore bouleversante qui se fusionne à notre propre expérience et l’adopte, il peut s’agir d’un rythme, d’une simple phrase, telle la phrase de Proust qui avait permis au lauréat du Prix Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio de découvrir toute une œuvre : « C’était la phrase évoquant le timbre de la sonnette du jardin qui retentissait à l’arrivée de Swann, dans Du côté de Chez Swann, » nous confie-t-il dans un entretien. « Cette sonnette-là m’a éveillé ; là était pour moi aussi sans doute l’entrée. »